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Ethique de la perception

​

Des intuitions aux attentions

Des attractions aux intentions

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Aujourd’hui, à l’heure des sociétés technologiques et de la banalisation des technologies

numériques, de nouvelles pathologies attentionnelles apparaissent et se déploient, comme

le TDAH [Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité]. Les nouvelles générations

seraient alors moins enclines à l’attention profonde, et notamment au flow  [attention à 100%].

Dans la mesure où l’attention est l’un des éléments clés de l’apprentissage, il devient essentiel

de s’orienter vers de nouvelles formes de pédagogie et de transmission du savoir. En effet,

développer la capacité d’attention, et premièrement toutes les perceptions sensorielles,

cela conditionne l’ouverture au monde, son interprétation et sa compréhension, puis

l’expérimentation et l’expression, l’interaction avec autrui et la coopération.

 

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Qu’est-ce que l’attention ?

 

Commençons par le terme qui peut-être est le plus accessible, ou du moins le plus simple à définir : l’attention.

Du latin attentio, tension ou application de l’esprit vers quelque chose. L’attention est la capacité de l’esprit de se

consacrer à une chose, à étudier avec concentration ou vigilance. Activité mentale, animée d’intentions, l’attention

soutient diverses actions du quotidien, d’où les expressions : examiner avec attention, relâcher l’attention, fixer son

attention, faire un effort d’attention, attirer l’attention, demander l’attention, donner de l’attention [prendre soin]…  

 

Attention = rétention + protention. La rétention est l’attitude de l’esprit tourné vers le passé, et la protension,

opposée à la rétention, l’attitude de l’esprit tourné vers l’avenir. Quant aux protentions collectives positives,

elles sont des anticipations partagées ou projections vers un futur souhaité. L’attention serait alors la somme

de la rétention et de la protention, ou ni l’un ni l’autre, car étant opposés, elles s’annulent. L’attitude à tenir

est bien plutôt d’être concentré sur l’instant présent, l’esprit n’étant ni tourné vers le passé, ni vers le futur.

Cependant, en guise de préparation, avant d’être pleinement et intensément attentif à l’ici et au maintenant,

il est utile de se reposer sur l’existant, sur le vécu et l’expérience passée [re-tenir]. Puis, dans un mouvement

intentionnel, de se projeter vers l’avenir, de se mettre en perspective et d’anticiper [pro-tenir], de nourrir

un désir, un espoir, une aspiration ou une attente. En effet, comme le dit le philosophe Bernard Stiegler :

« On ne peut pas être attentif si on n’attend rien ». Ensuite, sans [trop de] retention ni [trop de] protention,

le mental relâché, l’attention s’exerce, d’autant plus si une bonne dose d’enthousiasme anime l’individu.

 

« Le mélancolique est tourné vers le passé, absorbé par lui, sans ouverture à l’avenir. Incapable de protension,

il est tout en rétention, indéfiniment retenu dans un passé non dépassé. Le maniaque, au contraire,

est tout en protension, incapable de rétention. » [Henri Maldiney, Penser l’homme et la folie, 1991].

 

Le flow se manifeste quand l’attention – mobilisée et active, soutenue et continue – est portée à son paroxysme.

Mihaly Csikszentmihalyi, psychologue qui a développé cette notion, définit le flow comme le moment où toutes

les capacités attentionnelles sont réunies en même temps pour relever un défi, ou encore comme le sentiment

intense d’être porté par le courant d’une rivière, ou de laisser couler tous ses sens dans une même direction.

 

La pleine attention est exclusive et sélective. Plusieurs informations ne peuvent pas être traitées dans le même instant.

Bien qu’un individu puisse avoir le sentiment, ou plutôt l’illusion, d’être attentif à plusieurs choses en même temps,

il n’est réellement possible de porter toute son attention que sur une seule chose à la fois. En effet, l’attention peut se

détourner lorsqu’elle est distraite par des stimuli significatifs. Toutefois, selon l’état de vigilance et la vivacité d’esprit,

il est possible de traiter simultanément plusieurs choses [objets, informations, sujets, situations ou tâches]. Dans ce cas,

l’attention oscille, va et vient d’une chose à l’autre. De la sorte, une vision d’ensemble se construit progressivement.

 

Par exemple, le joueur de pétanque se focalise sur le but, familièrement appelé cochonnet, avant de lancer sa boule.

A un moment donné, il va également se focaliser sur sa position corporelle, sur la qualité du terrain, ou encore sur la

courbe de son lancer. Il se concentre à plusieurs niveaux et en plusieurs étapes avant d’agir. Quand il aura réuni toutes

les bonnes conditions, quand qu’il se sentira prêt et non distrait, qu’il sentira le coup, alors il pourra agir avec justesse.

 

Etre pleinement attentif dans l’instant présent sous-entend que l’esprit est détaché du passé et du futur. En ce sens,

pour le psychologue William James, « L’attention est la prise de possession par l’esprit, sous une forme claire et vive,

d’un objet ou d’une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles […]. Elle implique le retrait de certains

objets afin de traiter plus efficacement les autres » [William James, The principles of psychology, 1890].

 

Bien qu’il puisse y avoir certains processus attentionnels automatiques, l’attention est

consciente et raisonné, alors que la perception est davantage sensible et sensorielle.

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Qu’est-ce que la perception ?

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« Activité de l’esprit [ou bien plutôt sensibilité de l’âme] par laquelle

un sujet prend conscience d’objets et de propriétés présents dans son

environnement sur le fondement d’informations délivrées par les sens. »

 

[Source : Michel Blay, 2013, Dictionnaire des concepts philosophiques]

 

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L’essentiel est sous nos yeux. Cependant nous n’y faisons pas [assez] attention. Pour percevoir l’essentiel,

Il s’agit de développer une compétence éthique : celle d’apprendre à être pleinement présent, sensible

et attentif, concentré et attentionné, autrement dit la capacité à percevoir le détail de la vie ordinaire

et la capacité à saisir ce qui compte sur l’arrière-plan, c’est-à-dire ce qui est important et signifiant.

 

L’éthique de la perception suppose un état de présence, d’ouverture, d’accueil, une décontraction

du mental et des conduites de l’esprit, sans projection d’un passé et sans aspiration vers un futur.

Puis, une fois raisonnées, les choses perçues deviendront représentations et conceptions mentales.

 

Certes, consciemment ou inconsciemment, des prédispositions d’esprit conditionnent les perceptions.

Elles agissent comme des filtres d’interprétation sur la réalité. Pressentis, préjugés et autres créations

de la pensée masquent ou altèrent la vérité. En cela, la sensation pure et la perception naïve sont

des illusions. Il apparait alors bien difficile de se débarrasser totalement de l’emprise du mental

 

Toutefois, l’idée est davantage d’apaiser l’esprit et de se détendre, de lâcher prise et de laisser faire,

du moins autant que possible, de manière à percevoir des indices, les nuances et autres subtilités.

 

Le passage par un état méditatif et de contemplation, voire par un moment d’ennui et d’oisiveté,

peut aider à être pleinement présent, à s’imprégner de chaque instant et à ouvrir les perceptions.

Par effet de conséquence, d’une perception élargie, l’être peut s’émerveiller, s’éveiller et se révéler.

 

Une éthique de la perception, affinée et agissante, est nécessaire au déploiement d’une pensée éthique,

d’une éthique de l’expression, d’une éthique de la relation à l’autre et d’une éthique de la coopération.

 

En somme, une éthique de la perception implique une ouverture des sens, à la fois physiques et énergétiques,

c’est-à-dire une exploration et une aventure sensorielles, une attention et une concentration, et aussi et surtout,

un relâchement du mentalafin de ressentir et d’éprouver ce qui émerge et se déroule dans l’instant présent.

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Question de regard : la perception et la vision

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Si le regard va à gauche, il emmène tout le corps vers la gauche.

 

A la base, ma perception pilote l’ensemble de mon être. La perception sensible s’opère par le biais des cinq sens, de caractère physique : la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat et le goût… et du dit « sixième sens », ou plutôt d’autres sens, plus subtiles et de caractère énergétique, qui incluent notamment l’intuition et la clairvoyance, l’orientation et l’équilibre. Deux types de perceptions sensorielles se distinguent alors : perceptions physiques et perceptions subtiles.

Mon esprit et mes pensées s’activent d’abord dans le sens initié par ma perception sensible, sensorielle et subtile. Fondamentalement, la sensibilité est première, la raison est seconde. Puis mon corps s’active dans le sens initié par ma perception et orienté par ma raison. Si je regarde à gauche, cela déclenche une réaction en chaîne dans toute ma posture corporelle, les cervicales et les épaules suivent, puis mon buste, et via mes hanches, tout mon corps est naturellement amené à suivre ce regard initial. Ainsi, l’âme – siège de la sensibilité et du désir – anime l’esprit et le corps. En d’autres mots, mon esprit et mon corps suivent mon âme.

Cela dit, le mouvement du corps, de même que l’activité réflexive de l’esprit, amènent d’autres angles de perception sur les choses et le monde, d’autres intuitions et visions. Une nouvelle prise de conscience peut conduire à d’autres manières de se mouvoir physiquement. Un changement de position corporelle peut amener de nouvelles réflexions. Le mouvement âme-esprit-corps est donc bien plus circulaire que linéaire ; l’un oriente et nourrit l’autre, et vis-et-versa.

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- L’AME : souffle de vie ; sensibilité et intuition ; sensations et ressentis, émotions et désirs.

- L’ESPRIT : pensée et conscience, mental et raison ; aspirations et intentions, réflexions et décisions.

- LE CORPS : structures et fonctions physiologiques, incluant notamment celles du cœur et du cerveau ;

  par lesquelles se manifestent les projections et les volontés, par lesquelles l’individu réagit et agit.

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Le regard porté sur la vie est à l’origine de toute façon d’appréhender l’existence. Si je me concentre sur le positif qui émane, ou peut émaner, de toute chose, dépendamment de l’angle de perception et de la qualité de l’attention, alors mon existence est vivifiée, mon enthousiasme et mon espoir grandissent, des potentiels et perspectives se dessinent.

La perception – c’est-à-dire les angles et champs de perception, les modes et schémas de perception… et aussi l’intuition et la clairvoyance – conditionne l’interprétation et la compréhension de la réalité, les pensées et les intentions, les buts à poursuivre et les enjeux à relever, puis l’expression, la communication et l’action, les formes de création et d’organisation… En somme, la perception conditionne toute forme d’évolution, toute forme de vie.

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La perception est la clé. Elle est un réflexe et une discipline à développer à tout instant. Doté d’une perception affutée, ouverte, mobile et souple, nous pouvons nous passer de multiples facultés et documentations. En effet, pour savoir quel est le bon moment pour récolter les tomates, le jardinier n’as pas tant besoin de livres de référence sur le sujet ; il observe simplement, mais attentivement, leur croissance, les tâte au passage, et les ramasse quand il les juge mûres.

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Un regard pénétrant est indispensable pour distinguer une lueur subtile.

Un haut degré de sensibilité olfactive est essentiel pour percevoir un parfum subtil.

De même, l’intuition est nécessaire au déclic créateur, voire à l’émergence de l’idée de génie !

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Comment percevoir ? : Discerner l’essentiel. Sentir le subtil et saisir les nuances. Constater ce qui va bien et ce qui a besoin d’être changé, en soi et autour de soi. Mesurer les enjeux, sans se focaliser sur le négatif, mais bien plutôt en se fondant sur le positif et en transformant le négatif en défi à relever. Quand l’individu est pleinement présent, éveillé et vif d’esprit, qu’il est intuitif, attentif et concentré, alors il parvient à savoir quoi faire et où aller. Lorsque la perception est aiguisée, que le cœur et l’esprit sont habités par la clairvoyance et la lucidité, par le désir et l’espoir, par l’enthousiasme et l’optimisme, alors le chemin s’ouvre avec évidence devant soi. Ensuite, il convient de percevoir et de suivre les indices qui se présentent à soi, puis de s’aventurer dans la voie qui apparait la plus pertinente et juste.

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S’il existe une loi de l’attraction,

il existe aussi une loi de l’attention

 

Selon la loi de l’attraction, « Lénergie coule là où l’attention va »

 

La loi de l’ATTENTION implique un engagement à la fois sensible et spirituel,

des sens et de l’esprit. Elle se manifeste en l’état de présence, en tout instant

de la vie, les sens grands ouverts et la conscience focale, l’esprit vif et intuitif. 

 

​ La loi de l’ATTENTION et la loi de l’ATTRACTION se rejoignent et s’entremêlent,

d’une part puisque l’attention tend à se focaliser sur une idée attractive ou une

situation captivante, d’autre part car l’objet de l’attraction se rapproche d’autant 

que nous y prêtons attention et que nous agissons en son sens avec persévérance.

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ATTENTION ! Si l’attention porte à la fois sur le fond et sur la forme, l’œil et les autres

récepteurs sensoriels accordent plus de confiance à la seconde qu’au premier. En effet, les

humeurs formellement exprimées sont souvent plus révélatrices que les contenus exposés.

Autrement dit, le ton et les attitudes comptent plus, sinon autant, que les paroles énoncées.

Par exemple, un jeune enfant –qui ne maitrise pas encore bien le langage parlé– retiendra

davantage la façon dont une chose est affirmée plutôt que le sens conceptuel sous-entendu.

De la même manière, les actes demeurent des manifestations concrètes, ancrées dans le réel,

qui ont plus de poids –de crédibilité et de fiabilité– que des paroles qui restent à accomplir.

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Une écologie de l’attention s’avère nécessaire à l’équilibre émotionnel et à la paix de l’esprit.

Celle-ci implique une économie de l’attention au regard de l’abondance qui se présente à soi.

Si la zone de préoccupation de l’esprit et du mental peut être extrêmement étendue, la zone

d’influence de tout être se réduit à son champ d’action, ici et maintenant. En ce sens, pour

tendre vers une cohérence entre ce qui est pensé, dit et fait, pour limiter les perturbations,

tourmentes et contradictions de l’esprit, il est essentiel que l’attention s’oriente selon la 

présence à soi : selon les besoins et intérêts, selon les désirs, volontés et intentions.

De même, il est essentiel d’ajuster l’attention à la présence à l’autre, étant donné

que l’objet de l’attention comme celui de l’attraction est un inconnu à explorer

et à découvrir, par le biais d’une diversité de capteurs sensibles et perceptifs,

comme les cinq sens physiques [le toucher, la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût],

ainsi que d’autres sens plus subtils comme la perception par l’intuition...

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Une personne attentive et perspicace est douée d’une intelligence pénétrante et subtile.

Sa clairvoyance lui permet de relier et de concilier la présence à soi et la présence à l’autre, 

de façon à avancer sereinement, sur son propre chemin, sur une voie évidente et authentique.

 

« Si l’on devient lucidement attentif, on dispose d’une extraordinaire énergie.

Cette énergie de l’attention, c’est la liberté. »

​

[ Jiddu Krishnamurti, 1969, Le vol de l’aigle ]

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Au cœur de la loi de l’attention :

instinct et intuition, inspiration et aspiration,

concourent aux évolutions authentiques

 

« Tu n’as pas que cinq sens physiques :

vue, odorat, ouïe, goûter et toucher.

Tu es doté aussi de cinq sens spirituels :

émotion, imagination, intuition, conscience et inspiration. »

​

[ Bernard Werber, 1997, Le livre de voyage ]

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L’intuition est le regard intérieur. Elle est une faculté de l’esprit propre à chacun-e.

A priori caractéristique à l’être humain, l’intuition est un souffle qui pousse à l’action.

Les intuitions sont des idées toutes faites qui viennent à l’esprit, des visions claires,

instantanées, évidentes et justes, des sensations fluides et formes de connaissance

immédiates. Elles ont pour objectif de concrétiser les désirs spécifiques de chacun-e.

​L’instinct est une tendance naturelle, spontanée et commune à toute une forme de vie.

Il est une forme d’intelligence sauvage, une réaction archaïque dans un but de survie. 

Un instinct est un comportement inné par lequel nos besoins internes et nos conduites

permettent de s’ajuster à la réalité, de faire face et de s’adapter à un environnement.

Dès lors, les instincts de protection, de conservation et de reproduction, de sociabilité

et de coopération, d’empathie et de compassion représentent des facultés basiques.

​De plus, l’instinct s’ancre dans le corps et agit surtout sur lui, alors que l’intuition

a pour siège l’esprit et conditionne la pensée. L’instinct a une base biologique,

alors que l’intuition est le fruit de l’expérience et l’évolution de la conscience.

L’intuition demeure impuissance face aux situations totalement nouvelles,

tandis que l’instinct y fait face, sans laisser la moindre place au doute.

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Les inspirations et aspirations sont des façons d’attirer l’autre en soi, et de porter ses désirs

vers un objectif élevé. Elles visent à tendre versla satisfaction et l’accomplissement de soi,

vers la prospérité et la liberté. ​Les intuitions, inspirations et aspirations se situent entre

le monde intérieur et le monde extérieur. Elles poussent vers l’autre, guident les pas

et ouvrent le chemin. Elles mènent à la connaissance de soi et construisent l’identité.

En ce sens, comme le rapporte Michel de Montaigne: "Il faut voyager pour frotter

et limer sa cervelle contre celle d’autrui". Dès lors, la quête de soi et la connaissance

de soi s’opèrent à travers le voyage, l’exploration et la découverte de l’autre, à travers

un voyage en soi [puisque l’altérité se situe aussi en soi] et un voyage à l’extérieur de soi.

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En somme, suivre ses intuitions, inspirations et aspirations, est une belle manière d’apprendre, de s’orienter

et d’évoluer, en soi et à travers l’autre, alors que suivre son instinct est foncièrement nécessaire à la survie.

 

Le respect de cette loi de l’attention détermine l’ouverture des perceptions puis les capacités d’association,

d’intégration et de coopération des perceptions. Cette loi de l’attention est essentielle car elle conditionne :

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• les voies de la coordination et de la conciliation entre les pensées, intentions et actions,

• les voies de l’engagement solidaire, de l’innovation sociale et de la transition écologique.

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D’une part, la loi de l’attention –à autrui et à ce qui entoure– est une loi qui inspire les idées,

qui oriente et guide les pas de chacun et de chacune. En cela, cette loi s’applique à l’individu.

D’autre part, elle peut être une loi sociale dans le sens où les lois humaines s’inspirent des lois

naturelles. Dès lors peut s’instaurer un droit biomimétique, autrement dit un droit qui implique

des règles d’usage et d’être en relation, des cadres de pensée, d’organisation et d’interaction,

des attitudes et comportements, qui s’exercent en respect des lois fondamentales de la vie.

Ainsi peuvent s’aménager des systèmes –écologiques et sociaux– résilients et équilibrés.

 

« Lorsque nous écoutons, nous n’avons besoin ni de connaissances en psychologie,

ni de formation en psychothérapie. L’important, c’est de savoir être présents aux

sentiments et aux besoins spécifiques que ressent un individu ici et maintenant. »

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[ Marshall B. Rosenberg, Psychologue, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), 1999 ]

 

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A la base, l’acte de la coopération repose sur 

une perception, une attention et une intention

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La coopération est d’abord un état d’esprit, une posture et une attitude, en soi et envers l’autre.

Toute forme de coopération s’engage à partir d’une intention, celle de penser et d’agir ensemble,

de faire avec l’autre, localement et globalement, ici et maintenant, et dans une perspective commune

[=futur souhaité collectivement]. En d’autres mots, d’une part cette intention première est celle de penser

et d’agir au regard des contextes et enjeux du présent. D’autre part elle est celle de composer avec autrui,

côte-à-côte et face-à-face, horizontalement et verticalement, de biais et en orbite, en une dynamique où

les positions et les angles de perception et d’action demeurent irréductiblement différents, changeants

et évolutifs. Cette intention première est celle d’évoluer conjointement, de s’adapter aux particularités

des uns et des autres, ainsi qu’aux nouvelles circonstances et conjonctures. A contrario, la compétition

se nourrit de l’intention de s’opposer, de gagner et de battre l’autre, ici vu comme un adversaire. Dès

lors, une véritable coopération ne se construit pas CONTRE une idée, une action ou une personne ; elle

émerge POUR une bonne raison, se déploie à partir d’une intention positive et favorable à l’ensemble.

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Egalement, l’ouverture des perceptions –celle qui tend à construire une coopération globale et un

vivre ensemble– est orientée à partir d’une volonté altruiste. Elle s’alimente de diverses aspirations :

elle vise l’apprentissage avec l’autre, la clairvoyance et l’éveil, l’évolution de la conscience, l’aggradation

des forces de vie [˃ néguentropie, entropie négative]. Elle naît et se déploie dans un désir d’association et

de conciliation des spécificités et des différences. Ces différences, étrangetés et contradictions, peuplent

le monde : elles résident en soi comme en l’autre. Elles se manifestent au travers du temps et de l’espace ;

elles sont mouvantes et évolutives. Selon les époques et les contextes, les idées changent et s’adaptent ;

elles se construisent et s’affinent. Parfois la tolérance grandit et ouvre le champ de la coopération, parfois

les croyances se rigidifient, créant des divisions et des oppositions, de la compétition et des affrontements.

En ce sens, d’une part la volonté altruiste inclut la volonté de l’individu pour lui-même [pour se développer

personnellement, pour découvrir son être véritable et authentique, pour nourrir l’identité, l’égo et l’âme], et,

d’autre part, une volonté qui transcende le Soi, c’est-à-dire qui s’exprime en des sphères extérieures à soi

et plus ou moins étendues [pour nourrir la communauté de vie, bâtir la société, l’écosystème, l’univers…].

Puis, la co-perception se construit dans le partage et l’intégration des diverses perceptions. Ainsi, l’objet

perçu l’est de façon plus globale, bien que jamais complètement, dans la mesure où il évolue, de même

que son environnement. Dès lors, une perception plus holistique de la complexité engendre des actions

mieux coordonnées et en perpétuel ajustement, d’autant que les perceptions varient, s’associent et

s’intègrent, d’autant que la co-perception s’élargie progressivement. Néanmoins, l’ouverture des

perceptions peut s’opérer dans une toute autre finalité que la coopération. En effet, une large

conscience et une vaste connaissance peuvent être employées dans un but de manipulation

ou de destruction de l’autre, de prise de pouvoir et de domination. D’où la nécessité

de comprendre les fondements d’une éthique de la coopération et de l’incarner

pleinement, c’est-à-dire de la transformer en attitudes et en actes concrets.

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Les intuitions

 

 

« C’est avec la logique que nous prouvons

et avec l’intuition que nous trouvons. »

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[ Henri Poincaré, Sciences et Méthode, 1908 ]

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ETYMOLOGIE. Intuition : du mot latin intuitio qui désigne « l’action de voir une image réfléchie dans un miroir » ; du substantif intuitus  « vue, regard » ; dérivé du verbe intueri « regarder attentivement ».

 

DEFINITION. Faculté innée de l’âme, ou encore voix de l’âme, l’intuition nous relie avec l’inconscient personnel, avec la conscience universelle et le monde qui nous entoure. Elle est une connaissance directe et immédiate de la vérité, qui émerge sans recours à l’expérience et au raisonnement, sans recours à l’analyse et à la réflexion. En général, l’intuition est perçue comme inconsciente ou du moins extra-consciente ; seule sa conclusion est disponible à l’attention consciente. Ainsi, nous pouvons avoir un sentiment d’évidence, l’intuition qu’une idée ou action est juste, sans savoir pourquoi. Exemples : savoir spontanément que quelqu’un a besoin d’aide ; avoir une prémonition, c’est-à-dire pressentir et anticiper un événement à venir. Force créatrice, l’intuition est l’instrument de l’invention et de la découverte. « Découvrir, c’est bien souvent dévoiler quelque chose qui a toujours été là, mais que l’habitude cachait à nos regards » [Arthur Koestler, Le Cri d’Archimède (The Act of creation), 1964]. Dès lors, découvrir par l’intuition est une forme de reconnaissance spontanée.

 

L’INTUITION : UNE EMERGENCE ENTRE PROJECTION DU PASSE ET ASPIRATION DU FUTUR. Partageant le jugement de Napoléon Bonaparte selon lequel « l’inspiration n’est le plus souvent qu’une réminiscence », les psychologues Hahnemann et Klein, définissent l’intuition comme « la reconnaissance de situations passées, l’expertise acquise au fil de l’expérience ». Selon eux, l’intuition étant une perception extra-consciente, nous reconnaitrions des situations, indices et signes, sans en avoir conscience [Daniel Kahneman, Gary Klein, Conditions for Intuitive Expertise : A Failure to Disagree, 2009]. Par ailleurs, dans la mesure où l’intuition –projection du passé– peut être pressentiment d’un fait à venir, elle est alors aussi aspiration du futur. L’intuition se situe donc entre la pensée dont nous héritons et le désir ou la peur qui nous animent.

 

INTUITION OU ILLUSION ? COMMENT SE FIER A SON INTUITION ? Sachant qu’une intuition peut être trompeuse et conduire à des certitudes qui reflètent un excès de confiance, quelles circonstances doivent être réunies pour que notre intuition nous guide de manière assez juste et fiable ? Selon Daniel Kahneman, une « intuition fiable » tient à deux conditions : 1- un environnement régulier et donc prévisible qui donne des indices pertinents sur la nature de la situation, c’est-à-dire un contexte à haute validité ; et 2- une connaissance suffisamment longue de cet environnement acquise grâce à une pratique approfondie, et cela afin d’avoir la possibilité d’apprendre à reconnaître ces situations et indices, afin de savoir adopter la bonne conduite en conséquence [Daniel Kahneman, Système 1, Système 2 : les deux vitesses de la pensée, 2011].

 

L’INTUITION : UN ETAT D’ETRE, UNE PRESENCE A SOI ET AU MONDE. Aussi et surtout, pour qu’émerge l’intuition, il est essentiel de passer par un état de présence sensible, de connexion et de déconnexion, un état de détachement, de lâcher-prise et de laisser-faire. Voici certainement l’une des étapes les plus délicates à opérer. Ce passage requiert de se mettre en marge et de ralentir le rythme, de respirer en pleine conscience, profondément et amplement, de s’accorder le temps nécessaire, pour ressentir subtilement, intensément et pleinement ce qui se manifeste et peut se révéler. En ce sens, pour Sri Aurobindo, « La connaissance intuitive est un éclair qui jaillit du silence ».

 

LES SYNCHRONICITES QUI FONT SENS. Les synchronicités [signes, coïncidences, hasards…] se manifestent pour nous guider vers nous-mêmes, pour devenir qui nous sommes. Elles nous connectent à notre intuition, à notre moi profond et véritable. Elles nous poussent à écouter à notre voix intérieure, à nous aventurer sur la voie de l’authenticité et de l’épanouissement. Elles nous invitent à cheminer vers soi, à passer de l’ombre à la lumière.

 

L’INTELLIGENCE INTUITIVE ET LA LOGIQUE VISIONNAIRE. Une perception sensorielle accrue, une intuition, et d’autant plus une hyper-intuition, demandent à être structurées et canalisées pour donner le meilleur d’elles-mêmes, pour prendre de bonnes décisions et s’adapter au mieux à l’environnement. L’émergence d’une intuition requiert d’abord d’être très attentif au contexte et sensible aux choses qui se présentent à soi, car sources d’indices pour bien s’orienter. Ensuite, pour s’assurer de la fiabilité de l’intuition, pour la transformer en décision stratégique et en action, il s’agit de produire un effort de réflexion et d’approfondir le raisonnement. En effet, comment intégrer pleinement les perceptions, les visions et intuitions, puis les poursuivre en actions ajustées ? Certes, de base, il convient de percevoir avec attention et concentration, avec clairvoyance et lucidité. Cela dit, la clé –pour bien intégrer les perceptions et les convertir en actions adéquates– réside également dans la conscience et dans l’interprétation de celles-ci, ou plus exactement, dans la capacité à avoir une représentation claire de ce qui a été perçu, puis de la mettre en mots et en action de manière cohérente et pertinente, claire et compréhensible. Pour y parvenir, c’est une question de pratique : il s’agit d’entraîner la perception sensorielle, l’observation et l’écoute, d’éprouver la présence, le lâcher-prise et le laisser-faire, d’éduquer l’état d’esprit, d’expérimenter –sous diverses formes– l’interprétation, la représentation et la compréhension, de travailler la mise en mots, d’oser la prise d’initiative et enfin d’apprendre la matérialisation des idées et des connaissances intuitives

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Les détails et apparences qui ont du sens

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La perception subtile des détails de la vie ordinaire : des apparences

a priori insignifiantes, à la révélation de réalités cachées et de vérités enfouies

 

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« Les petits gestes qui nous échappent par mégarde sont beaucoup

plus révélateurs de notre caractère que toute attitude formelle

à laquelle nous nous sommes soigneusement préparés. »

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[ Edgar Wind, Art and Anarchy, 1963 ]

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​Plusieurs dictons et proverbes donnent à croire qu’il faut se méfier des apparences, qu’elles sont trompeuses, qu’il ne faut pas se laisser abuser par elles. Néanmoins, parfois les détails n’en sont pas… Ce qui est considéré comme un détail est souvent minoré. Un détail pour individu peut être d’une grande importance pour un autre. De même, une chose qui n’attire pas dans un premier temps, peut se révéler attirante au fil de la découverte. D’apparence laide, elle peut ensuite se révéler belle. Cette considération dépend surtout des humeurs et du point de vue, de l’angle et du champ de perception, du niveau et de la qualité de l’attention. Aussi, une attention faible et une perception réduite, un esprit absent ou diverti, ont tendance à générer des détails et des insignifiances. L’appréciation subjective différencie alors les détails de l’essentiel. En effet, dans un premier temps, les sens perçoivent la réalité, puis l’esprit conçoit comme détail ce qui n’est pas considéré comme essentiel, ce qui n’a pas ou que peu de signification. Ainsi les détails sont perçus, puis rapidement balayés du regard, sans plus s’y attarder, sans intérêt ni préoccupation. Par contre, si nous scrutons de près les apparences, elles peuvent dévoiler la réalité et révéler des vérités dissimulées. En d’autres mots, l’apparence masque une vérité qui, en un instant présent, peut transparaitre aux yeux de celle ou de celui qui observe attentivement. Cette émergence, ce dévoilement ou cette révélation, sont rendus possibles d’une part grâce à la perception sensible, ouverte et pénétrante, d’autre part grâce à un esprit réceptif et réactif, vif et perspicace.

 

DE L’INSIGNIFIANCE A LA SIGNIFIANCE DES APPARENCES : Les petites choses de surface et autres manifestions du quotidien les plus infimes, futiles et dérisoire, éphémères et volatiles, sont a priori insignifiantes. Elles ont tendance à être considérées comme banales, sans intérêt ni grande importance. Elles ne captent pas ou peu l’attention, ou peut-être est-ce le manque d’attention qui les dévalorise… Ainsi nous avons tendance à les négliger, précisément parce qu’elles nous semblent anodines ou parce que nous ne les voyons tout simplement pas. A contrario, les considérer est une question d’ouverture des perceptions. Pourtant, des apparences peuvent se présenter comme des signes à interpréter, comme des indices révélateurs de la vérité, bien plus signifiants que les choses qui apparaissent avec évidence aux yeux de tous. Pour ce faire, sont de mise l’attention, la clairvoyance et la sérendipité [« capacité humaine à œuvrer avec l’inattendu, à prêter attention à un fait surprenant et à en imaginer une interprétation pertinente » (Sylvie Catellin, Sérendipité: du conte au concept, 2014)].

 

DE L’INCONSTANCE A LA CONSTANCE DES APPARENCES : « Notre raison est toujours déçue par l’inconstance des apparences » disait Blaise Pascal [Pensées]. Certaines apparences sont inconstantes, passagères voire éphémères, tandis que d’autres sont davantage constantes et récurrentes. Ces dernières sont des traits de caractère et des humeurs qui transparaissent et se révèlent. Ce sont des expressions de l’âme et des manifestations du Soi profond.

 

DE L’APPARENCE A LA REVELATION : Un objet, un fait ou un acte, en apparence insignifiant, peut devenir signifiant et procurer une grande inspiration. En percevant attentivement l’apparence, en l’inspectant en profondeur, une sérendipité face à l’apparence peut alors se manifester et elle est susceptible d’infléchir le cours d’un destin. Si la perception, par tous les sens, est affutée, si le regard est clairvoyant, alors nous pouvons nous fier aux apparences. Ainsi nous pouvons déceler les nuances dans les apparences et nous pouvons y voir au travers. Ainsi nous pouvons en sonder la profondeur et y voir l’essentiel dissimulé. Si les apparences sont confirmées par d’autres signes et indices, par d’autres regards et ressentis, par une étude rationnelle approfondie, afin de comprendre la chose perçue et en mesurer la teneur, alors nous nous approchons de la vérité et nous empruntons le bon chemin, ou traçons notre propre voie.

 

DE LA SIGNIFIANCE A LA FIABILITE DES APPARENCES : Pour savoir s’il est raisonnable de se fier à une apparence, qui parfois n’est que tromperie ou illusion, les principaux critères sont sa constance et sa récurrence. Egalement, si l’apparence rejoint l’intuition et s’accorde avec elle, alors elle tend à devenir crédible. En ce sens, comme pour l’intuition, selon le psychologue Daniel Kahneman, une « apparence fiable » tiendrait à deux conditions [voir la partie précédente intitulée « Les intuitions » / « Intuition ou illusion ? Comment se fier à son intuition ? »].

 

DE L’OMBRE A LA LUMIERE : De l’obscurité émerge la lumière, comme la plénitude émerge de la vacuité, comme une chose perçue comme insignifiante se transforme en indice signifiant que l’esprit peut mettre à profit. En traversant le vide et l’obscurité, en contournant les embûches, en dépassant les obstacles, en traversant les épreuves et en suivant les signes, nous pouvons nous orienter avec plus de singularité et d’authenticité, de naturel et d’évidence. En reconnaissant, en explorant et transperçant nos zones d’ombre, nous pouvons tendre vers la lumière, nous dépasser et nous émanciper.

 

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« L’essentiel, le plus souvent, n’a point de poids. L’essentiel ici,

en apparence, n’a été qu’un sourire. Un sourire est souvent l’essentiel. »

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[ Antoine de Saint-Exupéry, Œuvres complètes, 1994 ]

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