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Relation à autrui

[communication interpersonnelle]

« Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire,

ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, 

ce que vous croyez en comprendre, ce que vous voulez comprendre,

et ce que vous comprenez, il y a au moins neuf possibilités

de ne pas se comprendre. Mais, essayons quand même. »  

[Bernard Werber, L’Encyclopédie du savoir relatif et absolu, 1993]

LA COOPÉRATION HUMAINE

Toute existence humaine, comme toute société,

comme toute forme de vie, est basée sur la relation.

Au sein des relations et du vivant, se distinguent et se déploient

diverses configurations et formes de communication intrapersonnelle

et interpersonnelle, interculturelle et intergénérationnelle, sensible et sensorielle,

émotionnelle, instinctive et intuitive, verbale et écrite, corporelle et comportementale,

artistique et symbolique, spatiale et temporelle, télépathique, énergétique et vibratoire…

Selon la perception et la communication, sont générées des effets de causalité et phénomènes

de synchronicité, des stimulations et des attractions, des actes d’empathie et de sympathie, etc.

En toute relation, entre un homme et une femme, entre porteurs de cultures différentes, entre deux postures identitaires, éthiques ou systèmes de valeurs, il y a des face-à-face, des conforntations. Certaines sont évitables, d’autres inévitables. Certaines dégénèrent en conflits, d’autres génèrent des échanges fructueux, menant à la compréhension mutuelle des différences et à l’accordance. De même, la compétition peut mener soit à l’exclusion-destruction, soit à l’émulation-création. Parfois, l’évitement des confrontations aggrave les situations, provoquant des inhibitions, refoulements et faux-semblants. Toujours est-il, qu’au fil de l’existence, surgissent des confrontations qui font évoluer les idées et les situations. Selon les intentions et les actions des parties en présence, les confrontations peuvent conduire à la recherche d’accords et de compromis, de consensus et de conciliations. Parfois, la confrontation engendre des divisions, incohérences et discordances. En réalité, l’univers tout entier demeure en proie à la discordance, c’est-à-dire au manque d’accord, de cohérence et d’unité. Néanmoins, quand les contraires parviennent à s’accorder et à compléter, alors la discordance génère la plus belle harmonie.

En certaines relations, chacun-chacune poursuit sa propre direction, ses propres idéaux et aspirations, s’orientant selon son propre regard, s’exprimant selon sa propre pensée et son propre langage. Parfois, l’écart entre deux postures est si étendu que le dialogue le dialogue -percevoir et ressentir ensemble, penser et agir ensemble- semble impossible. C’est comme deux rails de chemin de fer qui ne se rencontrent jamais ! C’est comme deux rails de chemin de fer qui ne se rencontrent jamais ! C’est comme des individus prisonniers de leur passé, de leurs désirs, envies et passions, aveuglés par leurs croyances et opinions, enfermés dans leurs us et coutumes, sans audace ni goût de l’aventure, apeurés voire angoissés par un futur potentiel, par de possibles réactions ou issues défavorables. Ainsi, sans grande ouverture à la rencontre et à la découverte, à la sympathie et à l’empathie, à la réciprocité et à l’équité, ces individus ne peuvent guère construire de relations véritablement partagées, c’est-à-dire mises en œuvre et composées avec autrui. En ces dynamiques relationnelles antagonistes, lors des face-à-face et des confrontations, surviennent alors chocs et dommages, fuites et ruptures ! … Pourquoi donc les confrontations ou rivalités relationnelles mènent-elles si souvent à l’isolement ou au choc ? Pourquoi génèrent-elles si souvent, d’une part, du refus, de l’évitement et des fuites, et d’autre part, des conflits ? Pourquoi ne conduisent-elles pas davantage à la reconnaissance et l’acceptation des différences, à la causerie et la compréhension, à l’émulation et l’apprentissage mutuel ? Et pourquoi est-il aujourd’hui si dur de réparer les bris de relation ?

En prenant conscience des causes de ces désaccords et de ce manque d’harmonie, nous pouvons espérer en changer les effets. Plus encore, en comprenant les mécanismes de fonctionnement de l’humain et des relations [effets de causalité, de synchronicité, de réciprocité…], nous pouvons tendre vers une forme d’écologie relationnelle, vers des relations plus sereines et paisibles, vers plus de coopération, vers plus d’entendement et d’équilibre.

De même, en comprenant l’écologie [= logique de l’habitat, du milieu], nous sommes davantage en mesure d’instaurer des formes d’économies saines, équitables et pérennes [économie = gestion de l’habitat, du milieu]. Autrement dit, sans une compréhension approfondie de la logique du milieu, comment pourrions-nous bien « gérer » le milieu, ou plutôt vivre et évoluer en harmonie avec ses composantes et en son sein ? 

 

Afin de mieux vivre les relations, explorons ci-après comment nous fonctionnons -humainement, psychologiquement et socialement- à travers les notions de pensée et de désir, de perception et d’action, ainsi qu’à travers le temps.

• LA PENSÉE [opérée par la conscience, par l’esprit] ˃ PROJECTION DU PASSÉ

 

« La pensée est responsable de tout le contenu de la conscience, qu’il s’agisse des

couches profondes ou superficielles. Si vous n’aviez pas de pensée, il n’y aurait ni peur,

ni sentiment de plaisir, ni temps. La pensée est responsable de la beauté d’une grande cathédrale, mais elle est aussi responsable de toutes les absurdités qui s’y déroulent. »  

[Jiddu Krishnamurti, 2006, La nature de la pensée]

 

L’activité de l’esprit est, par définition, spirituelle et psychique. Au sens large, l’esprit humain crée sans cesse des pensées et des mentalisations, conscientes ou inconscientes.

 

LE MENTAL

La conscience est éternelle, unique et indivisible, alors que le mental est un flux ininterrompu, comme le cours d’une rivière. Comme l’humeur, ce dernier revêt de multiples visages : il peut s’exprimer consciemment ou inconsciemment. Le mental se déplace dans le temps et la conscience vit dans l’absence du temps. Alors que notre conscience fait notre identité profonde, notre soi véritable et notre originalité, nos activités mentales ne sont pas tant les nôtres. Elles sont données par d’autres : parents, éducation, culture, société… Puis nous nous les approprions et les cultivons. En d’autres termes, le mental n’est pas intrinsèque à soi. Il ne reflète pas la nature profonde. Il est issu d’un conditionnement. Il est un sous-produit social. Ainsi, les mentalités sont des habitudes de pensée acquises par acculturation. Comme les idéologies, elles sont cultivées.

Le mental est un processus vital de compréhension et de contrôle du monde. En faisant des expériences psychiques et en établissant des hypothèses multiples, le mental aide l’individu à s’adapter au monde afin de protéger sa vie.

Le mental est le processus de production des pensées mécaniques, des pensées ressassées, souvent fausses, déformant la réalité, voire des pensées obsessionnelles et des illusions. Parmi les pensées mécaniques, les croyances sont des pensées qui rassurent par rapport à des peurs non acceptées. Ce sont des pensées répétées suffisamment de fois pour s’ancrer profondément. Dès lors, l’individu croit fermement en ces pensées. Les [fausses] croyances, produites par le mental, ont un caractère limitant dans le sens où elles limitent les potentialités. En ce sens, elles sont des obstacles à l’atteinte de formes supérieures de conscience.

Le mental a tendance à coloniser l’individu et à faire obstacle à l’épanouissement de l’être. Les risques de dérives du mental sont divers et multiples : agitation et perturbation de l’esprit, trouble et confusion, regard conditionné et cloisonné, inattention et négligence, instabilité et absence de maîtrise de soi, illusions et mensonges à soi-même, préjugés et orgueil, création de systèmes de pensée binaires [bien/mal, vrai/faux, sensibilité/raison, ami/ennemi…], ignorance et aveuglement, agacement et agressivité, passion et jalousie, etc.

Bien que, par essence, le mental soit difficile à maîtriser et impossible à arrêter, il peut néanmoins être tempéré et apaisé. Ainsi, relâcher ou modérer l’emprise du mental permet de se libérer de l’attachement à l’ego, de se connaître soi-même, de comprendre le monde et ses lois fondamentales. L’idée n’est pas de faire taire le mental, ni de tuer l’ego ; le but de la démarche est bien plutôt de laisser faire le mental, de prendre du recul pour l’observer et de l’accepter, puis de laisser passer les pensées. La prise de recul et le détachement du mental peuvent notamment s’opérer par le biais de la méditation, d’une balade en forêt, d’une contemplation de l’horizon, d’une pratique des arts martiaux, etc.

 

LA CONSCIENCE

La conscience est « ce qui voit ». Elle habite le royaume de l’esprit. La conscience résulte de la relation intériorisée qu’un être établit avec le monde qui l’entoure, avec les autres et avec lui-même. En ce sens, elle est individuelle et spécifique, mais elle conduit à des connaissances qui ne le sont pas forcément. De même, l’âme est individuelle, mais les valeurs qu’elle introduit dans le monde ne le sont pas. Substrat de l’existence, la conscience est d’une part un espace abstrait, car – comme l’âme – impossible à localiser, et d’autre part, un phénomène plutôt passif et global qui se distingue des activités purement intellectuelles de l’esprit.

La vie est une « affaire cogérée » par l’âme avec l’esprit, sans rivalité de l’une avec l’autre. La conscience de la véritable complémentarité de l’une avec l’autre permet l’épanouissement l’être. Pour se faire, il convient de concilier sensibilité et raison : de raisonner l’impulsion sensible, de se poser la question en son « âme et conscience », puis d’adopter un comportement cohérent et adapté à la situation présente. Parfois, cette conciliation entre sensibilité et raison s’opère en un instant et avec évidence, sans grand effort, voire sans aucun effort.

Par exemple : « Mon désir – celui-ci qui me remplit et me porte – est-il raisonnable ? Comment adapter ce désir en fonction du contexte ? Comment ajuster ou modérer ce désir de façon à ce que sa mise en action génère des effets positifs [globalement plus positifs que négatifs] pour moi et aussi pour ce qui m’entoure ? L’essentiel est d’accommoder mon désir à la situation présente et à la réalité environnante, sans en modifier son sens profond, originel et authentique. Une fois la tâche accomplie, une fois la conciliation opérée entre la sensibilité et la raison, j’agis en conséquence et avec bienveillance, clairvoyance et évidence, enthousiasme et spontanéité. Puis, a posteriori, comme manquer sa cible aiguise l’habileté de l’archer, j’adapte mon attitude et je nuance mes futures actions au regard des premiers effets générés. »

D’essai en essai, d’erreur en apprentissage, un dialogue s’établi entre l’esprit et l’âme. Les pouvoirs de l’un et de l’autre tendent à se déployer et à s’harmoniser, à se compléter et à s’équilibrer. Puis, à partir de cette conciliation entre individualité [union de l’âme incarnée et de l’ego] et de la personnalité [la conscience de soi et du monde], le corps [la matière, le physique] s’exécute dans l’instant présent.

La conscience et l’âme, composantes fondamentales de notre vie intérieure, se développent ainsi conjointement au fil de l’existence et se nourrissent du vécu : des perceptions, des expériences et expérimentations, des pensées et raisonnements. Bien qu’éternelle, c’est-à-dire une entité durable, la conscience est évolutive. Ainsi, des prises de conscience animent l’esprit et mènent à l’évolution de la conscience.

Une prise de conscience [sursaut de l’esprit] apparaît quand fusionnent les perceptions des sens et de l’esprit, quand survient un sentiment d’unité lors de la perception par l’esprit et par les sens. En cela, un vécu extra-ordinaire [moments d’exaltation, de stress, de rêve éveillé…] peut conduire à une prise de conscience, à une élévation du niveau de conscience, voire à une ouverture vers nouveaux modes de conscience.

 

LA PENSÉE

Interrogeons-nous sur la nature de la pensée. L’expérience, qui date des débuts de l’humanité et dont nous héritons, produit le savoir et le souvenir qui sont emmagasinés dans le cerveau. Le savoir, acquis au fil du temps, donne la mémoire, individuelle ou collective, et la mémoire donne la pensée. La pensée est réaction et projection de la mémoire, une mémoire qui sera génératrice de doute et d’espoirs. Puis la pensée conduit à l’action et à l’apprentissage. Ainsi le cycle se répète à travers le temps : expérience, savoir, mémoire, pensée, action.

La pensée est l’essence de l’esprit. L’esprit est l’espace au sein duquel les pensées viennent et vont. Il est le siège des facultés et des activités intellectuelles, c’est-à-dire de la vie psychique humaine. Cette dernière se compose des imaginations et rêveries, des expériences de pensée, simulations émotionnelles et processus mentaux, des images et représentations mentales, des réflexions et opérations de l’intelligence, des croyances, convictions intimes et opinions raisonnées, des méditations, de l’ensemble des idées et intentions qui impulsent et organisent la vie humaine.

La capacité de penser est l’élément commun qui nous relie toutes et tous. Néanmoins, chacun et chacune pense selon sa propre perception de la réalité, en fonction de son expérience, de ses croyances et de son conditionnement.

La pensée est toujours limitée, car le savoir sur lequel elle se fonde est limité. De même, toute action engendrée par la pensée est nécessairement limitée et une telle limitation crée des tensions, divisions et conflits entre les différences. Ensuite la pensée œuvre à résoudre ces problèmes et à réconcilier ces différences. Ou plutôt, la pensée fait face à ces situations et conduit l’individu à s’ajuster. Aussi, la pensée est responsable de l’entente et de la solidarité, de l’amour et de l’harmonie entre les êtres – le contentement, le désir et la joie étant des projections de la pensée.

Dès lors, la relation entre deux êtres est une relation entre deux modes de pensée distincts, et également plus ou moins conciliables, d’une part dépendamment de l’écart culturel, ou du fond de culture commune, et d’autre part, dépendamment des intentions bienveillantes, des associations et des coopérations initiées et mises en œuvre pour parvenir à un « bien-vivre ensemble ». Autrement dit, l’avancement vers ce but s’opère via LE VA-ET-VIENT ET LA CONCILIATION ENTRE LA PENSÉE DE L’UN ET CELLE DE L’AUTRE.

« Si tu n’arrives pas à penser, marche. Si tu penses trop, marche.

Si tu penses mal, marche encore. »  [Jean Giono]  Ce cheminement

apportera un souffle créateur, une inspiration stimulante, un nouvel élan vital.

• LE DÉSIR [animé par le cœur, par l’âme] ˃ ASPIRATION DU FUTUR

 

Le désir et la peur sont tous deux des inspirations du futur. Alors que l’imagination, le désir et le courage sont porteurs de vie et générateurs d’avancement, la peur est quant à elle limitante et peut conduire à la paralysie. Néanmoins, l’appréhension et l’inquiétude, la crainte et la peur demeurent utiles, tant qu’elles se limitent à être la perception d’un danger et tant qu’elles invitent à la prudence, au détour bienfaiteur ou à l’échappée salvatrice, tant qu’elles ne balaient pas l’espérance et la foi en l’avenir, tant qu’elles maintiennent la confiance en soi et la mise en action.

Le désir conduit l’expérience humaine. Il construit les relations, les bonheurs relationnels comme les désaccords relationnels. Quintessence de la volonté, le désir n’est pas Amour. Le désir sexuel se distingue de l’Amour car il mène seulement à la satisfaction d’un besoin naturel primaire.

Bien qu’il porte et soutienne la vitalité, le désir peut aussi générer des difficultés relationnelles. En effet, parfois nous désirons avec avidité. Parfois nous désirons ce que nous redoutons. Le désir peut entraîner la jalousie. Celle-ci tue l’Amour, mais pas le désir. De même, la trahison tue l’Amour, mais peut maintenir la passion la trahison étant la preuve de sa propre passion.

De plus, « Toute pensée dérive d’une sensation contrariée » [Emil Michel Cioran, De l’inconvénient d’être né, 1973] et peut mener au désir. Sans pensée et sans intention, sans l’application de la pensée à tendre vers une fin, la sensation première ne devient pas désir.

Par contre, quand la pensée domine la sensation, elle créé ainsi le désir : le désir de se sentir bien ou mieux, ou encore le désir de posséder. Ce dernier, qui torture l’esprit et qui peut rendre agressif, est une illusion, car rien ne nous appartienne vraiment, ni les choses, ni les animaux, ni les personnes, ni les parcelles de terres… Le désir de posséder n’existe pas : nous investissons simplement du temps et de l’argent sur des conventions créées par des individus voulant régner sur d’autres, ou sur tout ou partie du monde. Ce sont  plutôt les idées et les choses qui nous possèdent, nous influencent et induisent nos comportements.

Dans l’instant où la pensée opère au sein des relations, quand la sensation devient désir, il ne peut pas y avoir d’Amour. En cela, quand la pensée dicte et anime le désir, l’amour ne pouvant être, il apparait pertinent de s’interroger sur un point essentiel : en quoi est-il préjudiciable d’exprimer verbalement un désir sans pouvoir le réaliser dans l’instant ? Autrement dit, quels seraient les dommages et nuisances générés par la formulation d’un désir avant que ce désir puisse être mis en action au présent ? Révéler un désir peut entraver son accomplissement. En effet, l’écart entre le voulu et le réalisé peut s’élargir si le désir se manifeste hors présence, c’est-à-dire à distance du contexte de sa réalisation. Le réel se compose de désirs parvenus, qui ont été rendus possibles dans la présence, par l’attention ouverte et la perception, par l’engagement et l’action. La seule énonciation du désir par le langage ne suffit pas à réaliser ce désir, et parfois même, elle peut le saboter. Elle tend à le saboter et à l’embrumer quand la pensée formule de multiples hypothèses et projections, quand elle créé, d’une part des illusions et des croyances limitantes, et d’autre part, de la convoitise et de l’avidité, c’est-à-dire un désir excessif de posséder. Désirer, c’est vivre dans le futur : c’est aspirer consciemment à quelque chose dont la possession ou la réalisation comble un besoin de l’âme, de l’esprit ou du corps. C’est à la fois vouloir accomplir un potentiel et viser un but, souhaité et éventuellement atteignable. C’est se projeter dans un espace-temps plus ou moins éloigné, parfois très éloigné… Quand le désir devient excessif, il se transforme en envie. Sentiment toxique qui ronge lentement et ne procure aucune satisfaction, l’envie se distingue du désir qui anime la vie et soutient l’évolution. Quand, par l’exercice mental, l’envie grandit et prolifère, l’être se fascine pour ce qu’il convoite, il se fait envouter par la chose ou la personne visée. Il s’oublie lui-même et s’écarte de la réalisation de son désir. De même, être nostalgique, c’est vivre dans le passé. En outre, l’acte de penser, qu’il soit tourné vers le passé ou vers le futur, demeure une projection du passé. En cela l’être pense toujours à partir du passé, et quand il pense à l’avenir, l’espoir ou la crainte, le désir ou la peur, habitent son esprit. « La nostalgie revient lorsque le présent n’est pas à la hauteur du passé » [Neil Bissondath, Tous ces mondes en elle, 1999]. Ainsi, lorsque le pas en cours de réalisation [au présent] s’appuie sur le pas qui vient d’être réalisé [au passé], lorsqu’il avance ou monte d’un cran, avec cohérence et ajustement, sans désir excessif ni nostalgie envoûtante, l’être progresse et tend à s’accomplir de manière évidente et authentique. Un excès de l’un ou de l’autre, du désir ou de la nostalgie, conduisent à un engourdissement de l’esprit voire à l’annihilation de l’action. Il est préférable d’agir pas à pas, au présent, de flirter entre la sensation et le désir, sans esprit empressé, pour tendre vers l’accomplissement de ce qui nous anime. En effet, si la pensée domine la sensation, si elle opère hâtivement et se déploie à foison, alors s’ouvrent d’éventuelles divagations et fausses routes. Mieux vaut se sentir aimé, ou être considéré avec attention et bienveillance, que désiré. Mieux vaut avoir une vision positive d’un avenir souhaité et possible qu’un désir démesuré. Mieux vaut être présent et ouvert, attentif aux sensations et agissant pour satisfaire un désir modéré, que de désirer avec excès et empressement de l’esprit, avec trouble de l’attention voire aveuglement des perceptions, avec passivité voire paralysie du corps.

Dès lors, il apparaît que, entre sensation et pensée, entre sensibilité et raison, seuls le lâcher-prise et la connexion au présent, c’est-à-dire la mise en veille du mental et l’état dêtre « ici et maintenant », puissent permettre l’émergence du sentiment d’Amour, de le renouveler, de le vivifier sil sessouffle, et de tendre vers une certaine harmonie relationnelle.

Bien que le lâcher-prise du mental implique premièrement une absence d’action, il incite ensuite à l’action. En effet, par l’exercice des perceptions, par l’expression de la sensibilité et la mise en action les rêves et désirs peuvent se réaliser.

Aussi, il ne s’agit certainement pas d’éloigner de nous toute forme de désir ou de pensée, et de rester définitivement au stade de la sensation, car ainsi nous n’évoluerions guère. Il convient plutôt de jongler entre les trois, d’ALTERNER ENTRE SENSATION (1), PENSÉE (2) ET DÉSIR (3), autrement dit d’alterner entre l’état de présence, source de la sensation, la projection du passé, source de la pensée, et l’aspiration du futur, source du désir.

Il convient de prendre plus souvent le temps de renouer avec un état de présence et de relâchement, dans un état d’ouverture des perceptions et de la conscience, que ce soit par le biais d’une balade en forêt, en bord de mer ou de rivière, via une pratique de la méditation, du yoga ou du tai-chi... À votre guise. Le choix s’opère, ou plutôt l’évidence se manifeste, lorsque nous sommes à l’écoute de nos sens et tendances, de nos ressentis et affections, lorsque nous nous accordons le temps de la prise de recul et de la mise en marge.

Enfin, si un désir vaut d’être pleinement et intensément vécu, peut-être est-ce celui de s’abandonner à notre force d’âme, de se relier à notre être véritable, à notre nature profonde, celle qui nous appelle et nous anime, celle qui nous inspire et nous porte avec bienveillance quand nous y portons attention, en pleine et totale conscience.

Entre la pensée, projection du passé, et le désir, aspiration du futur,

entre le passé qui n’est déjà plus et le futur visé qui souvent n’est point,

entre le passé qui retient et entrave et le futur qui inquiète et tourmente,

seul l’état de présence –ici et maintenant– peut véritablement être vécu,

au travers de la perception et de l’attention, de l’action et du lâcher-prise..

• LA PERCEPTION ET L’ACTION ˃ ÉTAT DE PRÉSENCE

Par les sens, la perception est guidée. Par le corps, l’intention se manifeste.

Dans l’instant présent, les sens perçoivent, l’esprit raisonne et le corps agit.

 

LA PERCEPTION ET L’ATTENTION

La perception est ouverture primordiale au monde vécu et elle s’exerce au présent.

Le philosophe Spinoza distingue quatre modes de perception : 1- la perception par les sens, 2- la perception par l’expérience, 3- la perception par le raisonnement déductif, et 4- la perception par l’intuition [Spinoza, Traité de la réforme de l’entendement, 1677].

La perception, par l’âme et par l’esprit, inconsciente ou consciente, instinctive et spontanée, qui peut être réfléchie et projetée, est une attitude et une activité essentielle, par laquelle l’être éprouve et apprécie la réalité, par laquelle il peut faire l’expérience des idées, des choses et de toute forme de vie présentes au sein de son environnement. De même, chaque personne s’exprime à sa manière, selon ses états d’âme et d’esprit, selon ses expériences de vie et motivations.

Chaque personne a sa propre perception – et donc sa propre représentation – de la réalité, dépendamment de ses filtres de perception, de son état psychologique, de son niveau d’élévation spirituelle, de son humeur, de ses schémas cognitifs, de ses dispositions physiques, de divers facteurs atmosphériques, visuels, sonores, tactiles, etc.

Par exemple, la perception sensible peut être plus ou moins orientée par l’esprit. Elle peut être teintée d’un état de concentration ou d’un état de vigilance, le premier induisant un effort et une tension, le second impliquant un relâchement. D’une part, la concentration est une attention monopolisée et focalisée sur un point précis, qui se situe soit à l’intérieur de soi [comme le souffle], soit à l’extérieur de soi [comme un objet ou une odeur]. D’autre part, la vigilance est une attention ouverte qui embrasse l’entièreté du champ des perceptions, sans attention focalisée.

En d’autres termes, la réalité est une construction de l’esprit, c’est-à-dire une conception spirituelle, au demeurant relative à celui ou celle qui la perçoit comme une réalité. En cela, nous ne percevons du monde que ce que nous sommes préparés à en percevoir. Par exemple, la couleur rouge est la réalité pour le voyant, mais pas pour l’aveugle.

De la sorte, la perception oriente premièrement la façon d’appréhender et de comprendre la réalité, c’est-à-dire d’expérimenter et de connaître toute chose matérielle ou immatérielle, comme de ressentir, de découvrir et d’explorer toute forme de vie relationnelle. Puis, la perception mène à la conscience. Cette dernière prend naissance dans l’attention et disparaît dans l’inattention. Ainsi, vivre dans la flamme de l’attention, en pleine présence et en toute lucidité, cela prédispose à l’ouverture et à l’élévation de la conscience, à la reliance à l’autre et au « vivre ensemble » ... Et ce vivre ensemble peut être teinté d’une éthique de la coopération, si les valeurs de la coopération et de la solidarité se manifestent et si elles sont accessibles, si elles sont enseignées et transmises, si elles peuvent êtres apprises pour être incarnées, pratiquées et propagées.

L’ACTION ET L’INACTION

L’action et l’interaction s’exercent également au présent et visent notamment à satisfaire les besoins humains, les désirs et envies. Elles sont sources de survie et de réalisation du Soi et du Nous, sources de savoir et d’évolution. Intentionnelles ou non, elles influencent inexorablement le cours des événements. En d’autres termes, entre le rêve et la réalité, entre l’aspiration et l’accomplissement, il n’y a qu’un pas : l’action. Oser et sortir de sa zone de confort, agir et faire dans le sens du désir, mène à la réalisation de ce dernier. « Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie. » disait Johann Wolfgang Goethe.

Le monde est tout ce qui arrive et l’être est tout ce qui se fait. Si l’action cessait, l’être et le monde s’effondreraient dans le néant. Au commencement était l’action, et depuis elle mène le monde, pour le meilleur et pour le pire.

D’une part l’action est alors cause : les comportements, expressions et manifestations construisent l’identité, l’individualité propre, puis produisent les cadres culturels et les conditions d’organisation sociale. Par nos actions et interactions, nous sommes connectés et reliés. Ainsi nous existons et nous sentons vivants. Nous expérimentons, participons et apprenon. Nous nous réalisons, et parfois, même nous nous révélons à travers elles.

D’autre part, l’action est aussi conséquence : tandis que l’instinct provoque la réaction, l’intuition oriente la décision. Aussi, l’intention fixe le but, puis la volonté et la motivation, qui poussent à l’action et la soutiennent. En effet, quand Ludwig Wittgenstein demande « Que reste-t-il du fait que je lève le bras si on en soustrait le fait que mon bras se lève ? », Donald Davidson répond « Que les chances sont grandes que je l’ai réellement souhaité puis décidé » [Wittgenstein, Investigations philosophiques, 1953 ; Davidson, Actions et événements, 1993].

Néanmoins, un excès d’action condamne à la répétition, à l’excitation et empêche d’y voir clair. Dans une relation, pour diverses raisons, parfois naissent et se déploient des tensions, confusions et frustrations. En réaction, trop d’action, trop d’effort ou d’argumentation, peuvent les renforcer. Au contraire, elles peuvent se relâcher, voire se dissoudre complètement dans l’inaction, c’est-à-dire suite à une prise de recul et une temporisation [manifestation de la prudence avant de décider ou d’agir], comme lors d’une mise en marge, d’un rituel de passage, ou d’un transit au cours du voyage. Au retour, un recentrage est survenu. L’âme s’est apaisée. La perception de la situation a changé. La vision et la posture se sont renouvelées.

De même que la distance invite au rapprochement, l’inaction – à savoir le repos de l’âme, du corps et de l’esprit – conduit à cicatriser les blessures et à se guérir, à revisiter et à ajuster les manières d’être en relation, à les tempérer, voire même à les régénérer. En ce sens, le lâcher-prise et le laisser-faire, l’inaction et la méditation [ouvrant sur des états de conscience plus profonds (Alpha, Thêta...) et donnant accès au subconscient, c’est-à-dire aux automatismes, aux programmations et conditionnements psychiques] sont des conditions primordiales à l’éveil, à l’accomplissement de l’être et de l’être en relation.

Autrement dit, l’oisiveté a ses vertus. Attitude humble et joyeuse, l’oisiveté s’apparente à une discrète sagesse, donnant aux gestes et aux pensées un rythme naturel.

Pour Jean-Jacques Rousseau, l’oisiveté́ -posture du corps et conduite de l’esprit- rend possible un « état où l’âme trouve une assiette assez solide pour s’y reposer tout entière et rassembler là tout son être sans avoir besoin de rappeler le passé ni d’enjamber sur l’avenir ; où le temps ne soit rien pour elle, où le présent dure toujours [...] tant que cet état dure celui qui s’y trouve peut s’appeler heureux, non d’un bonheur imparfait, pauvre et relatif, tel que celui qu’on trouve dans les plaisirs de la vie, mais d’un bonheur suffisant, parfait et plein, qui ne laisse dans l’âme aucun vide qu’elle sente le besoin de remplir » [J-J. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, Cinquième promenade, 1782].

De la sorte, laisser reposer la pâte de notre vie lui permet de gagner en épaisseur et en densité. Cette oisiveté renforce notre humanité et notre tempérance [sobriété, modération, prudence], cette dernière étant l’une des quatre vertus cardinales et qui conditionne indirectement les trois autres vertus : la sagesse, la force et la justice.

En somme, une ALTERNANCE ENTRE L’ACTION ET L’INACTION s’avère saine et bienfaisante, notamment puisque cette seconde, l’inaction, conduit à la première, l’inaction, via l’émergence des sensations, des pensées et des désirs. Aussi et surtout, ce jeu de va-et-vient participe à la vivacité et à la paix de l’esprit. Il mène à des choix judicieux, cohérents et évidents, ainsi qu’à des temporisations et adaptations sources d’harmonisation des relations.

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DÈS LORS, COMMENT COOPÉRER HUMAINEMENT ?

Comment nourrir des relations vivantes, constructives et apaisées ?

Autrement dit, comment tendre vers un idéal d’écologie relationnelle ?

1 - Prendre le temps de la co-perception : se connaître mutuellement, s’ouvrir à l’autre

et à la relation ; s’écouter et s’observer attentivement ; et surtout percevoir ensemble,

de manière adjacente et dans un même sens, puis parvenir à une vision partagée.

 2 - Brasser les idées et pensées, les désirs et intentions, les projections et volontés :

faire l’expérience de penser ensemble et formuler une intention ou visée commune.

3 - Lâcher-prise ralentir l’activité du mental et recentrer son attention sur le présent, 

afin de pouvoir laisser la place à l’instinct, à l’émergence et à la créativité spontanée. 

4 - Co-opérer et co-créer : exprimer réciproquement les ressentis, les sensations

et les intuitions, les idées créatives et constructives ; agir et évoluer ensemble,

dans une même direction, parfois en face-à-face [confrontation, compétition

et émulation], souvent côte-à-côte [partage créatif, coopération et synergie].

Ce processus est bien plus circulaire que linéaire.

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>  Communication intrapersonnelle  >  Coopération avec l’environnement  >  Coopération des idées

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